1, 2, 3, valser

 

 

1, 2, 3, pas comptés, mesurés. Ma main dans la tienne. Mes yeux sur ton épaule. J'écoute l'harmonie de nos valses qui s'apprivoisent. 1, 2, 3, tout commence.

 

1, 2, 3, les bruits s'éteignent. La vie se tamise, s'intimise, comme lorsque la nuit s'impose et se chuchote. L'air a changé. 1, 2, 3, l'air est chaud.

 

1, 2, 3, peu à peu. Les pieds jaugent le bois usé du parquet qui s'allonge. Les mains se rejoignent. Bonnes ou mauvaises élèves, elles tentent d'apprendre ensemble la même leçon de danse. 1, 2, 3, toi et moi.

 

1, 2, 3, notes bleues, rouges, blanches ou ocres. La mélodie susurre ses émois ; les offre à nos échines, à nos droitures faillibles. Elle s'insinue, espiègle, douce et bienveillante, entre les doigts de ses danseurs mêlés. 1, 2, 3, sage indécence.

 

1, 2, 3, patiemment. Langoureusement, les couleurs s'effacent et se mélangent. Les tiennes, les autres, les miennes et celles qui n'existent pas encore. Je suis là sans y être. Avec toi, avec vous. 1, 2, 3, je vous aime.

 

1, 2, 3, l'envol. Semelles lisses sur bois croquant. Semelles râpeuses sur bois glissant. L'élan d'une brise me caresse les cheveux. 1, 2, 3, tout s'échappe.

 

1, 2, 3, la voilà. La drôle de merveille. Elle s'anime, bat des cils et sourit : vue de haut, je suis deux. Vue de dessous, je suis quatre. Vue d'ensemble, je suis monde. 1, 2, 3, la voyez-vous ?

 

1, 2, 3, où êtes-vous ? Je vous regarde. Souvent sans vous voir je vous sais quand même. De là-bas je vous admire et bois vos rires avec envie. Je viens, je pars, vous êtes tout près puis bien trop loin. 1, 2, 3, vous êtes si beaux.

 

1, 2, 3, laissez-moi. Dans les bras de cette valse, ma tête contre la sienne. Lovée dans le lit brun et tendre de l'anonyme. Je ne me réveillerai que lorsque le rideau de ma pièce aura humblement baissé sa tête de velours. 1, 2, 3, oubliez-moi.

 

1, 2, 3, je m'éveille. L'aurais-je encore rêvée, cette valse chimère ? Ma paume a pourtant souvenir d'avoir connu la tienne. Et mon cœur vibre encore d'avoir tourné, tourné. 1, 2, 3, tout là-bas.

 

1, 2, 3, petits mots penauds. Jaloux, debout. Avides et gourmands, ils voudraient tant, eux aussi, savoir danser. A l'envers, à l'envie. Savoir conter aux hommes le bonheur de valser. 1, 2, 3, le bonheur de valser.

 

1, 2, 3, le bonheur. De valser. 1, 2, 3, valser.

 

Août 2016

 

 

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